Champourcin

Un marais salant au naturel : du sel ou du gypse ?

Un maillon de l’histoire des Alpes …. 

Durant la première partie de l’ère secondaire, au Trias, le continent unique, la Pangée, se fissure de plus en plus. Sa physionomie a bien changé depuis la fin de l’ère primaire, puisque l’érosion l’a aplani. Les zones basses sont régulièrement envahies par la mer. Des mers peu profondes, riches en faunes, occupent des régions entières au Trias moyen (-247 à -237 Ma).

Sous l’influence d’un climat toujours très chaud, avec de longues périodes d’aridité, l’évaporation marine est intense.

Dans des environnements semi-désertiques, les étendues d’eau de mer laissent ainsi la place à des lagunes sur-salées. Sous le soleil brûlant, des saumures se forment.

En effet, dans les mers fermées ou dans certains grands lacs, sous l’action de l’évaporation, différents types de sels précipitent, sous forme de  sulfates de sodium, de calcium, de potassium, sous forme de borates etc…

Les roches ainsi formées (halite, gypse, anhydrite etc.) sont qualifiées d’évaporites. Aux environs de Digne-les-Bains, on trouve d’importantes masses de gypses qui sont un sulfate de calcium hydraté.  Ces roches témoignent d’un environnement  subdésertique de basse altitude, avec de larges zones pouvant épisodiquement être ennoyées par des incursions marines et des eaux de ruissellement chargées en ions issus des roches environnantes.

Le sel affleure t-il aujourd’hui en surface dans les Alpes de Haute-Provence ? Eh bien non, car celui-ci est trop soluble. Arrivé en surface, il est immédiatement dissous et emporté par les eaux de ruissellement. Toutefois, quelques sources sont salées par l’infiltration puis par la circulation des eaux de pluie infiltrées dans les massifs. A la rencontre de masses de sel, elles le dissolvent, s’en chargent et arrivent ainsi salées en surface.

D’autres sources sont quant à elles sulfatées, comme les eaux thermales de Digne-les-Bains : elles ont dissous du gypse au cours de leur voyage souterrain.

…en lien avec 22 autres géosites

Le gypse est une roche particulièrement fragile. Elle est rayable à l’ongle, peu dense et soluble. Ces propriétés sont responsables du comportement particulier du gypse (et autres évaporites) et de son rôle dans la tectonique.

Au cours du Jurassique et du Crétacé (-205 à -66 Ma), les gypses du Trias ont été recouverts par une très grande épaisseur de roches, principalement des calcaires, plus durs et plus denses. Ecrasés sous leur poids, les gypses jouent le rôle de couches « savon » lors des poussées tectoniques. Les piles de roches situées au-dessus glissent et se décollent de leur ancien substrat, en entrainant dans leur mouvement tout, ou partie, des gypses. Ces derniers sont ainsi très souvent situés à la base des nappes de charriage, comme il est possible de l’observer à Digne-les-Bains, à Esclangon aux environs du Vélodrome, ou au-dessus du site de Verdaches.

Ce que l’on peut décrypter du paysage actuel

Lorsqu’ils sont purs, les gypses sont blancs. Mais au Trias, des sédiments, et particulièrement des argiles, sont transportés par les eaux de ruissellement jusqu’au fond des étendues sur-salées où le gypse se forme. Mêlés aux argiles et pollués par d’autres éléments, ces gypses adoptent différentes colorations, rouge, saumon, jaune ou gris… C’est ainsi que le gypse de Champourcin présente une si grande variété de teintes. Il en est de même pour les argilites (argiles lithifiées, transformées en roche compacte) du Trias supérieur qui se reconnaissent aisément avec leurs couleurs « bariolées », rose, lie de vin, jaune ou verte.

Une petite anecdote ?

Pour l’usage local et le gros œuvre, le gypse n’était pas trié. Chargé d’impuretés, en en particulier d’argiles, il donnait après cuisson, le plâtre rose typique des anciennes maisons bas-alpines.

Le gypse blanc était réservé à la production de plâtre de qualité, voire à l’exportation.

Le gypse pur très finement cristallisé est qualifié d’albâtre gypseux. En Italie, l’albâtre le plus célèbre, celui des carrières de Toscane, est un albâtre calcaire appelé onyx. Il était prisé des sculpteurs de l’Antiquité et de la Renaissance de par la finesse de son « grain ».