La dalle aux ammonites

Des témoins exceptionnels de l’histoire marine des Alpes : les ammonites

Un maillon de l’histoire des Alpes …. 

Au début du Jurassique, vers environ -200 millions d’années, la Pangée est encore bien présente. Mais l’étirement du continent commencé depuis 80 millions d’années environ se poursuit. La mer gagne ainsi du terrain, submerge de plus en plus de terres et s’approfondit dans les régions soumises à l’affaissement le long de grandes failles.

A partir de là, la mer va occuper de façon continue pendant près de 130 millions d’années ce qui deviendra la Haute-Provence et une grande partie des Alpes du sud. Les couches marines vont se succéder et s’empiler sur plusieurs milliers de mètres.

La dalle aux ammonites, datée de -198 millions d’années, fait partie de ce début de l’aventure marine des Alpes. Avant de devenir la dalle de roche fortement inclinée que l’on connait aujourd’hui, elle était un ancien fond marin, horizontal, où se sont déposés des boues et des restes d’animaux marins, ensuite transformés en calcaire et en fossiles.

Les ammonites sont des mollusques marins à coquille qui se sont incroyablement diversifiés au cours de l’ère secondaire dont elles ont largement peuplé les mers et les océans. Certaines espèces ayant vécu un temps très bref à l’échelle géologique sont de bons fossiles « dateurs ».

Sur la dalle, toutes les ammonites appartiennent à une seule espèce à quelques rares exceptions près. Cette faible représentativité est étonnante compte tenu de la grande biodiversité des ammonites dès le début du Jurassique. Cette espèce (Coroniceras multicostatum) est connue dans divers sites de l’ouest européen. Toutefois, le spectacle extraordinaire offert par 1550 ammonites de grande taille concentrées sur 320 m2 n’existe qu’à Digne-les-Bains. C’est une référence mondiale !

…en lien avec 22 autres géosites

Les ammonites se sont abondamment diversifiées au cours de l’ère secondaire. Leurs formes et leurs tailles sont très variables.

La « star » de la dalle est une espèce à grande coquille (15-70 cm de diamètre) avec des tours jointifs et une ornementation avec des côtes bien marquées.

Une escapade du côté du lac de Castillon vous offrira une illustration de la diversité de ces animaux au Crétacé inférieur avec des ammonites « déroulées ».

Ce que l’on peut décrypter du paysage actuel

Cet ancien fond marin, initialement à l’horizontale, était situé 750 à 1000 mètres plus bas qu’aujourd’hui. Digne-les-Bains est à 600 mètres d’altitude, mais le niveau marin n’était pas si élevé il y a 200 millions d’années.

C’est la formation des Alpes, avec la collision des continents africain et eurasien (voir chapitre 3 de l’Histoire des Alpes), qui a provoqué l’écrasement de l’ensemble des couches autrefois sous la mer, les a plissées, poussées, déplacées et empilées. La mer refoulée a laissé la place aux montagnes.

L’inclinaison de la dalle aux ammonites est un des témoins du bouleversement des paysages au cours  de l’aventure alpine.

Une petite anecdote ?

La dalle aux ammonites fut découverte lors de travaux d’élargissement de la route dans la première moitié du XXème siècle. La Réserve géologique de Haute-Provence a conduit plusieurs chantiers de fouilles pour mettre au jour une plus grande surface (aujourd’hui 320m²), et ainsi, plus de 1550 ammonites. Protection du site, études, valorisation pour le public, ont rendu la dalle célèbre dans le monde entier.

C’est ainsi qu’une délégation de la ville de Kamaïshi (Japon) s’est rendue à Digne-les-Bains au début des années 1990, pour faire l’acquisition de la dalle et l’emporter chez eux !

Il était bien entendu impensable de vendre un tel patrimoine classé en Réserve naturelle nationale et auquel les Dignois sont très attachés. L’équipe de la Réserve a alors réalisé le moulage de la dalle (à l’époque 150 m² avec 600 ammonites) qui est aujourd’hui exposé dans un musée, à Kamaïshi, ville jumelée avec Digne-les-Bains.