Les gorges de Daluis

Après le noir carbonifère, le rouge permien

Un maillon de l’histoire des Alpes ….

La Pangée constitue, à la fin de l’ère primaire, au Permien, un bloc continental unique, allongé nord-sud. La chaîne varisque est arasée, le paysage est globalement plat à faible altitude.

Le Permien,-299 à -253 millions d’années, marque la fin de l’aventure varisque et le début de celle des Alpes.

L’histoire des Alpes débute par une activité tectonique qui va progressivement disloquer la Pangée et composer de nouveaux paysages.

Le Permien marque également un grand changement climatique qui se traduit, notamment, par la formation de terres rouges : les paysages changent de couleur.

Loin des côtes océaniques, au centre de la Pangée, de vastes étendues sont désertiques. D’autres régions bénéficient de conditions climatiques plus favorables à la vie, similaires à une ceinture équatoriale humide. Dans certaines zones où le climat subtropical connaît des saisons contrastées, des épisodes humides et arides alternent. C’est dans ce dernier type d’environnement que se sont formées les terres rouges de Daluis.

Daluis  est remarquable par sa pile sédimentaire permienne (environ -270 à -253 millions d’années) épaisse de 900 mètres. Ces couches se sont déposées dans une vaste plaine d’inondation avec des étendues lacustres, alternant entre périodes d’inondations et de sécheresses. Les roches ainsi formées sont composées de sables à grains plus ou moins fins (grès) à très fins (pélites) ainsi que d’argiles (argilites).

Mais comment éroder, transporter et déposer de tels volumes de sédiments (900 mètres d’épaisseur) alors que le paysage était arasé ?

Le mécanisme qui va disloquer la Pangée est lancé ! Le continent est soumis à des forces tectoniques qui l’étirent. Elles font également craquer sa surface entraînant l’apparition de failles. Des fossés d’effondrement se forment au pied de zones plus hautes et parfois basculées.

Ainsi, les sédiments de Daluis s’accumulent pendant des millions d’années dans une de ces vastes zones qui s’affaissent très très lentement au fil du temps. On appelle ce phénomène la subsidence.

Au sein des pélites rouges, on trouve de fines couches de cendres volcaniques transformées en roches, les cinérites. Elles témoignent de l’activité volcanique très intense qui règne au Permien. Ce volcanisme est lui aussi l’annonce du morcellement de la Pangée.

…en lien avec 22 autres géosites  Argentera et Verdaches

Le Permien rouge de Daluis est plus jeune que le Carbonifère noir de Verdaches, et beaucoup plus encore que les granites et autres roches cristallines de l’Argentera-Mercantour.

 En toute logique, ces roches plus anciennes devraient être visibles au niveau des couches inférieures. Malgré la profonde érosion du Var au fond des gorges, elles ne sont pas mises au jour.

En revanche, vers la sortie nord des gorges, la barre blanche formée par les quartzites du Trias plus récent (base de l’ère secondaire, vers -250 millions d’années) succède « normalement » aux couches lie-de-vin du Permien.

Aujourd’hui, l’ensemble de ces couches n’est plus horizontal mais légèrement incliné vers le nord et plonge en direction du Var.

A la différence de la succession « normale » des couches à Daluis, on observe dans la clue de Verdaches que les quartzites du Trias reposent directement sur le Carbonifère. Le Permien y est absent. Pour l’expliquer, deux hypothèses sont possibles : soit il ne s’est pas déposé à Verdaches, soit il s’est déposé mais a été érodé avant le Trias…

Ce que l’on peut décrypter du paysage actuel

La couleur rouge des roches sédimentaires témoigne généralement d’une origine continentale et de conditions climatiques contrastées (alternance de périodes humides et arides) et chaudes.

A titre d’exemple, des sols rouges se forment aujourd’hui en Afrique tropicale. La comparaison avec les processus actuels permet de reconstituer l’histoire de Daluis. Sous un climat chaud et une couverture végétale, le fer qui résulte de l’altération de certaines roches passe d’un état réduit à un état oxydé en présence d’oxygène et d’eau liée aux saisons de pluies. Les minéraux nouvellement formés, comme les hydroxydes de fer, sont rouges.

Par la suite, lors d’événements pluvieux importants, les sols rouges riches en oxydes de fer sont emportés par l’érosion vers les zones les plus basses, comme ici à Daluis.

Les gorges de Daluis, quant à elles, ont été creusées tardivement. La surrection alpine et ses plissements ont porté toute la série sédimentaire en altitude. Puis, l’érosion a dégagé les couches rouges et le Var les a entamées de manière spectaculaire.

Une petite anecdote ?

Au cours de l’ère primaire, la vie s’est extrêmement diversifiée, de grandes étapes de l’évolution ont été franchies et tous les milieux ont été colonisés par les espèces.

La fin du Permien est marquée par la plus grande extinction de masse connue de la vie sur Terre…

Les responsables ? La configuration de la Pangée en une seule masse continentale, son climat, la rareté des mers peu profondes et, surtout, le très intense volcanisme et ses conséquences sur terre, dans l’atmosphère et dans les océans. Des réactions en chaîne ont entrainé le dégagement de très importantes quantités de gaz à effet de serre.

Cet épisode est loin d’être une anecdote !