La Clue de Sisteron et le Rocher de la Baume

La Porte de la Provence ouverte sur l’histoire alpine

Un maillon de l’histoire des Alpes ….

Une ou plusieurs collisions ?

La clue de Sisteron est qualifiée localement de « Porte de la Provence ». Elle entaille une barre rocheuse datée du Jurassique supérieur (de -150 à -145 millions d’années). Sa déformation a commencé avec les premiers plissements du cycle alpin lors de la phase dite pyrénéo-provençale, vers -70 millions d’années.

Au cours de la plus grande partie du Crétacé inférieur (de -145 à -120 millions d’années), l’Ibérie était située beaucoup plus au nord-ouest par rapport à aujourd’hui. Elle appartenait à la même micro-plaque que la Corse et la Sardaigne, situées dans son prolongement oriental. Puis, vers -115 millions d’années, l’ouverture d’une partie de l’océan Atlantique nord et du golfe de Gascogne contribue à déplacer l’Ibérie vers le sud-est.

Le Crétacé supérieur, à partir de -80 millions d’années, marque le début de la phase pyrénéo-provençale proprement dite. Le bloc corso-sarde coulisse d’ouest en est, le long d’une immense faille. A ce moment, un espace océanique existe encore entre le sud-ouest de la France et l’Espagne. Toutefois, le déplacement vers le nord du bloc africain commence à écraser l’Ibérie contre la plaque européenne, au niveau du sud de la France. Cette compression donne naissance aux premiers reliefs de la chaine pyrénéo-provençale : des Pyrénées à la Basse-Provence, en passant par la Sardaigne et la Corse qui n’avaient pas encore pivoté pour occuper leur position actuelle (ce mouvement de rotation ne se fera qu’autour de -17 à -15 millions d’années).

La Basse-Provence se trouve ainsi progressivement émergée, érodée puis intensément déformée. Située un peu à l’extérieur de la chaîne, l’émersion de la Haute-Provence intervient un peu plus tardivement, vers -70 millions d’années. Elle est alors déformée en plis orientés est-ouest, dont celui qui donnera ultérieurement la Barre de Sisteron.

Puis vers -35 millions d’années, c’est le début de l’orogenèse alpine qui résulte de la collision de l’Apulie (micro-plaque au nord de l’Afrique) avec la marge européenne, à l’emplacement actuel du nord de l’Italie. Les plissements alpins paroxysmaux qui ont lieu entre -15 à -5 millions d’années vont rajeunir et accentuer les anciens plis est-ouest de la première phase.

Nettement postérieure, l’entaille de la clue est peut-être héritée de la crise messinienne (de -5,9 à -5,3 millions d’années) mais il n’y a pas d’élément qui en atteste. Sa morphologie actuelle, quant à elle, est liée à l’action des glaciers au cours du Quaternaire et, ce particulièrement, au cours des derniers 300 000 ans.

… en lien avec 22 autres géosites

La clue de Sisteron matérialise sensiblement la limite aval du grand glacier de la Durance  au cours de l’avant dernière glaciation du Riss (de -300 000 à -100 000 ans). Lors de la dernière glaciation (de -80 000 à -10 000), le glacier s’est arrêté à quelques kilomètres au nord de la clue.

Contrairement au site du lac d’Allos qui correspondait à la source d’un glacier et au réceptacle des neiges, le site de la clue de Sisteron correspondait à un front glaciaire.

Depuis la crête de Lure, on peut admirer l’ensemble des plis pyrénéo-provençaux, orientés est-ouest, et des Baronnies auxquels appartient le rocher de la Baume (clue de Sisteron).

Ce que l’on peut décrypter du paysage actuel

Du fait de la dureté de cette barre calcaire du Jurassique supérieur, l’érosion l’a laissée en relief, tandis que les terrains plus tendres et marneux qui l’encadrent ont été profondément érodés.

Les portes naturelles, telles des étroitures, sont autant d’opportunités pour favoriser les échanges ou au contraire les fermer (clue ou cluse : du latin claudere : fermer). Les zones haut-perchées sont des lieux stratégiques de contrôle particulièrement recherchées pour édifier des forteresses. La visite de la citadelle vous permettra de découvrir une partie de cette histoire.

Aujourd’hui, Sisteron est une cité d’accueil touristique et de passage. Avec l’ouverture du tunnel autoroutier, le rocher de la Baume ne joue plus son rôle de barrière.

Une petite anecdote ?

Si les calcaires sont des roches très dures, ils sont néanmoins rongés par les eaux acides comme les eaux d’infiltration, chargées en acide carbonique et en acide humique. Aussi, ils peuvent être creusés de cavités karstiques comme l’indique le nom évocateur du rocher de la Baume. En Provence et Haute Provence, une baume est une grotte.

Le rocher est bel et bien troué naturellement. Les curieux, bons marcheurs, pourront le constater en découvrant la randonnée du Trou de l’Argent à Sisteron. Le rocher de la Baume est également un site d’escalade tous niveaux particulièrement apprécié.