La Clue de Verdaches
Les anciens marécages de Verdaches : une fabrique à charbon
Un maillon de l’histoire des Alpes ….
Vers la fin de l’ère primaire, les continents sont presque tous soudés entre eux : la Pangée est quasiment formée. La chaîne varisque parachève sa surrection. A ses pieds, issus de son érosion très active, des sédiments s’accumulent.
La clue de Verdaches, où s’écoule le torrent « le Bès », présente un paysage en deux teintes. Près du torrent, on observe des roches sombres et noires, et au-dessus, une énorme barre rocheuse gris clair qui dessine des parois verticales.
Les couches de la partie basse de la clue contiennent une grande proportion de matière organique transformée en charbon, d’où sa couleur noire. Les fossiles de végétaux y sont nombreux. On y trouve toutes sortes de fougères arborescentes, des prêles géantes apparentées à celles de nos zones humides actuelles ou encore de grands arbres qui n’ont plus d’équivalents aujourd’hui.
Ces fossiles permettent de dater les roches de -305 millions d’années, soit du Carbonifère supérieur (ère primaire).
Les différents types de végétaux ainsi que la succession des couches et leur organisation permettent de reconstituer le paysage et le climat de l’époque. Une forêt luxuriante occupait une plaine marécageuse où s’accumulaient des sables et des argiles ainsi que des débris de végétaux. Il régnait alors un climat de type tropical humide.
Dans ce type d’environnement confiné, peu oxygéné, les débris organiques tombés au fond des marécages sont rapidement enfouis par l’arrivée régulière de boues. Leur enfouissement au fil des millions d’années, sous des centaines voire des milliers de mètres de sédiments, a permis leur transformation lente en charbon.
Les couches claires de la partie haute de la clue sont entaillées à la verticale par le Bès. Ces roches très dures et très riches en quartz sont des quartzites. Elles se sont formées au Trias (ère secondaire) à partir d’anciens sables et graviers issus de l’érosion des reliefs résiduels de la chaîne varisque. Ces sédiments ont été transportés et déposés par des rivières dans une vaste plaine subdésertique.
…en lien avec 22 autres géosites : Argentera-Mercantour et Daluis
Dans la Clue de Verdaches, les quartzites du Trias reposent directement sur le Carbonifère : il manque ici la toute fin de l’ère primaire : le Permien. Pour rappel, la succession normale des étages géologiques est Carbonifère, Permien puis Trias.
En revanche, dans les gorges de Daluis, plusieurs centaines de mètres de roches du Permien se sont déposées sous le Trias. Ces dépôts permettent de raconter ce qui s’est passé à cette époque, l’érosion ayant entièrement détruit ce morceau d’histoire à Verdaches.
Des terrains charbonneux du Carbonifère sont aussi présents, de façon localisée, dans le massif cristallin de l’Argentera-Mercantour. L’histoire de ce massif est ancienne, avec une grande partie de ses roches (dont des granites) qui se sont formées à l’ère primaire.
Ce que l’on peut décrypter du paysage actuel
Les roches du Carbonifère sont riches en silice. Sa présence rend le substrat acide, contrairement au reste des roches formant les Préalpes de Digne. C’est pourquoi la végétation de la clue de Verdaches est localement particulière, acidophile, avec des espèces rares.
Si le paysage actuel de la clue de Verdaches doit beaucoup à la composition différente de ses roches, il est aussi issu de la tectonique et du plissement des couches. En effet, lorsqu’on traverse la clue en suivant la route, on rencontre d’abord les quartzites du Trias puis les couches charbonneuses du Carbonifère et, à nouveau, le Trias. Il apparait que les couches du Trias sont pliées et dessinent une sorte de voûte. Les quartzites sont très durs, leur plissement a entrainé l’intense fracturation qu’on observe aujourd’hui.
Une petite anecdote ?
Dans la clue de Verdaches, une ancienne carrière de pierres appelée « la carrière des Italiens » était en activité au début du XXème siècle. Des immigrés italiens y étaient embauchés pour extraire et tailler des blocs de quartzites. Cette roche particulièrement dure était destinée à la construction des ouvrages d’art, de ponts et de parapets, tel qu’on peut en voir le long de la route du Bès.
D’autres ressources minérales ont fait l’objet d’exploitations ponctuelles (principalement au cours des XVIIIème et XIXème siècles) comme l’anthracite, le plomb, le cuivre et le fer.
Le Carbonifère est mondialement réputé pour ses grands gisements de charbons et ses bassins sédimentaires épais de plusieurs milliers de mètres. Or, dans la clue de Verdaches, la situation en surface est très différente : le Carbonifère affleure peu et le charbon n’est pas très abondant.
Qu’en est-il en profondeur ? En 1952, des recherches minières ont conduit à un sondage de reconnaissance en amont de la clue. Il était prévu de descendre jusqu’à 600 mètres. Après avoir traversé 80 mètres de quartzites, le sondage recoupe 370 mètres de Carbonifère. Parmi de nombreuses couches de charbon très peu épaisses, une seule dépassant 1 mètre fut découverte, mais le trépan s’est coincé à 453 mètres. Ces maigres découvertes n’étaient pas suffisantes pour justifier de poursuivre les recherches…