Le lac de Castillon

Observez les rythmes de la mer du Barrémien

Un maillon de l’histoire des Alpes ….

Durant le Crétacé inférieur (de -145 à -100 millions d’années), l’océan alpin continue de s’agrandir lentement par endroit, au rythme de 1 centimètre par an, voire moins.

L’océan atlantique s’agrandit à l’ouest et surtout au sud où il commence à séparer l’Amérique du sud de l’Afrique, qui effectue une remontée vers le nord dans un mouvement tournant. En conséquence, le mouvement relatif de l’Afrique bloque, et même inverse, l’expansion de la Téthys alpine.

Le sud-est de la France, toujours baigné par la mer, change peu à peu de visage. Le bassin vocontien s’ouvre sur l’océan vers l’est. Il est bordé au sud-ouest et à l’est par des plateformes peu profondes où se développent des récifs, en particulier au cours du Barrémien (-130 à -125 Ma).

Aux environs du lac de Castillon, les couches géologiques ont enregistré l’histoire de ce bassin et bien au-delà. Connecté à l’océan, il a également enregistré ce qui se passait à l’échelle de la planète !

Au fond de la mer, les dépôts se sont réalisés de façon presque continue. Aussi, les couches alternent en bancs réguliers, peu épais : un banc calcaire, un banc de marnes (calcaire mélangé à de l’argile), un banc calcaire, un banc de marne, etc. Ces alternances rythmiques sont le résultat des variations des cycliques climatiques.

Les environnements tropicaux sont soumis à de longues périodes sèches, voire arides, qui succèdent à des périodes humides. Dans ces conditions, les phénomènes d’altération et d’érosion des roches ont un impact sur les apports sédimentaires au fond de la mer et sur la disponibilité des nutriments pour les organismes marins.

Les dépôts marneux indiquent l’arrivée des argiles d’origine continentale dans la mer par des phénomènes d’érosion. Les dépôts calcaires sont le signe d’une production de sédiments d’origine essentiellement biologique liée à la présence de plancton marin.

Ces rythmes climatiques, et donc sédimentaires, sont la conséquence de variations astronomiques cycliques dans l’orbite terrestre autour du Soleil et de l’axe de rotation de la Terre sur elle-même. Ces variations sont appelées cycles de Milankovitch, du nom de leur découvreur. Ce phénomène est très complexe car il y a autant de cycles imbriqués entre eux que de périodes. Chaque période correspond à un cycle : 19 000, 23 000, 41 000, 100 000 et 400 000 ans.

Les variations cycliques de l’environnement ont également une influence sur l’évolution des organismes vivants. D’ailleurs, les ammonites sont un bon modèle pour étudier ces phénomènes.

… en lien avec 22 autres géosites

Au Barrémien, les ammonites sont très diversifiées présentant une importante biodiversité. Chaque strate comprend des dizaines d’espèces différentes. On y observe certaines formes très particulières à spirale non jointive dites « ammonites déroulées », typiques du Crétacé.

Alors qu’ils sont du même âge (Barrémien), le site de Castillon est très différent de celui des gorges d’Oppedette. A Castillon, les sédiments se sont déposés par alternances de bancs calcaires et de marnes dans un bassin marin. A Oppedette, les calcaires, très épais dans lesquels sont creusées les gorges, ont été construits par des organismes appelés les rudistes, dans un environnement de mer peu profonde dont les ammonites étaient absentes . Les rudistes étaient des mollusques à coquilles dont l’accumulation a formé de véritables récifs.

Ce que l’on peut décrypter du paysage actuel

Depuis le niveau du lac de Castillon jusqu’en haut du versant, on peut admirer l’impressionnante pile sédimentaire avec des couches calcaires de plus en plus importantes et épaisses vers le haut et des bancs marneux majoritaires vers le bas.

La barre calcaire qui forme le sommet est datée du Barrémien supérieur. Elle est plus résistante à l’érosion que l’épaisse formation marneuse qui lui succède dans le temps (à l’échelle de plusieurs millions d’années) et qui a disparu ici : les calcaires dessinent alors une petite bute terminée par un versant abrupt.

A l’échelle des paysages, on remarque souvent que d’épais ensembles marneux sont surmontés par des alternances marno-calcaires, puis sont coiffés par une barre calcaire. Près de Castillon, ce schéma se répète jusqu’aux couches du Crétacé supérieur de la montagne de Chamatte. Ces répétitions correspondent à des cycles sédimentaires très long, à l’échelle de dizaines de millions d’années.

Une petite anecdote ?

Le Barrémien tire son nom du village de Barrême puisque c’est dans ce secteur des Alpes de Haute-Provence que l’étage géologique a été défini pour la première fois en 1862 par le géologue Henri Coquand.

Toutefois, il faudra attendre 1963 pour qu’un site de référence (stratotype), permettant de décrire couche après couche l’ensemble de l’étage, soit défini à proximité du lac de Castillon le long de la route d’Angles. Le nom de l’étage, le Barrémien, aurait normalement dû être renommé Anglésien, mais ce ne fut pas le cas et Barrême a gardé sa notoriété internationale !