Le Lac d’Allos

Dernier souvenir de l’âge de glace

Un maillon de l’histoire des Alpes …

Dés le début du Quaternaire, vers -2,58 millions d’années, une succession de phases glaciaires sont entrecoupées d’épisodes plus courts et plus chauds, appelés phases interglaciaires.

Les glaciations dans les Alpes ont fortement agit sur l’érosion de la chaîne, bien que celle-ci soit toujours soumises aux contraintes de la collision et aux mouvements verticaux de plus en plus importants. En effet, les Alpes prennent de l’altitude.

La dernière glaciation, qui s’est déroulée dans les Alpes entre -90 000 ans et -11 000 ans environs, a laissé des traces.  Parmi elles, le lac d’Allos témoigne de l’action des glaciers et de leur fonte après le dernier maximum glaciaire qui marque le maximum d’extension des calottes de glace.

Avec ses 54 hectares d’eau libre, le Lac d’Allos est le plus grand lac naturel de montagne d’Europe.  Actuellement profond d’une quarantaine de mètres, il occupe le fond d’une grande cuvette dominée par des Tours formées de grés. La cuvette est limitée par un bourrelet formant un ancien verrou glaciaire.

Cette grande dépression a été creusée par un glacier. En effet, vers -20 000 ans, au plus froid de la dernière glaciation, les glaciers occupaient une grande partie la vallée du Haut Verdon. Le cirque montagneux des Tours et de la Montagne du Laus était la zone de réception de la neige et le lieu de sa transformation en glace. Le glacier, ainsi formé en altitude, descendait ensuite en direction du nord-ouest pour rejoindre d’autres langues glaciaires jusqu’au glacier principal du Verdon, qui mesurait alors 40 kilomètres de long.

A la fin de la glaciation, le retrait des glaciers a été assez rapide dans les Alpes du sud. Les glaciers, qui certaines fois sur-creusaient le substratum rocheux dans ses zones les plus fragiles, laissait place, en fondant, à des étendues d’eau ou des lacs. Ces cuvettes ont joué le rôle de réceptacles à la fois pour l’eau de fonte, l’eau de ruissellement et pour les sédiments, boues et cailloux descendus des reliefs.

Grâce à ses dimensions et à sa profondeur, le Lac d’Allos a enregistré dans ses sédiments beaucoup d’informations. A la fonte du glacier, la végétation alentour s’est développée et des pollens ont sombré au fond du lac. Divers organismes y sont également tombés accidentellement alors que d’autre s’y sont développés. Puis, les restes organiques ont été enfouis au fond du lac, dans la boue. Ces accumulations annuelles de sédiments avec leur cortège de restes organiques ont constitué de véritables archives de l’histoire du lac et de son environnement. 

Des chercheurs ont réalisé des forages dans les sédiments du lac. Ainsi grâce aux pollens, ils ont daté l’âge des premiers sédiments lacustres et déduit que le glacier s’est retiré aux environs de 13 000 ans avant le présent ; le « présent » étant 1950 pour les quaternaristes.

Les données fournies par le lac permettent de suivre, au fil de ces 13 derniers millénaires, les changements climatiques ainsi que l’impact de l’homme sur la végétation et l’environnement depuis environs 8000 ans.

En lien avec 22 autres géosites : Grès d’Annot, Eaux-Tortes, Riou Bourdoux

Les Tours du Lac sont constituées de grès d’Annot. La masse gréseuse est parcourue de nombreuses failles. Elles ont facilité le travail de l’érosion et le découpage des Tours.

Comme dans le Laverq et l’Ubaye (voire les fiches des Eaux tortes et du riou Bourdoux), le paysage a été sculpté par les glaciers. Il présente des écailles tectoniques et des nappes de charriages (ici Flysch du Pelat) qui recouvrent des ensembles rocheux peu déplacés comme les grés d’Annot.

Aux Eaux-Tortes dans le Laverq, la dureté des grés d’Annot a seulement permis le surcreusement d’une série de cuvettes peu profondes. Vites comblées, elles ont évolué en tourbières, sans former de lac.

Ce que l’on peut décrypter du paysage actuel

Aux environs du Lac d’Allos, le paysage est très contrasté. Les piles gréseuses des Tours sont interrompues brutalement par une faille qui entraine leur juxtaposition avec un autre ensemble montagneux aux pentes « plus douces » et avec le bourrelet qui finit d’entourer le lac. 

Les jeux de l’érosion soulignent la diversité des roches et des grands ensembles sédimentaires et tectoniques qui participent à l’originalité du site.

On peut être surpris de l’absence de déversoir ! En effet, généralement, les eaux des lacs glaciaires s’échappent vers l’aval par un déversoir. Celui-ci est une entaille creusée dans un verrou glacier ou dans une moraine. Ici, après un bref parcours souterrain la résurgence de l’eau du lac donne naissance au ruisseau de La Serpentine.

Ne vous y trompez pas, il n’y a pas de serpentinite (roche métamorphique) dans les environs du lac. Le ruisseau serpente « seulement » dans le plan du Laus où il favorise le développement d’une magnifique zone humide.

Une petite anecdote ?

A l’âge de 82 ans, Alexandra David Néel, aventurière amoureuse du Tibet et écrivaine, a passé quelques nuits d’hiver sous tente dans la neige au lac d’Allos à 2300 mètres d’altitude. Elle était accompagnée de son fils adoptif le lama Aphur Yongden.

Le dernier Yéti des Alpes aurait été entr’aperçu du côté de l’Encombrette peu après le séjour d’Alexandra David Neel.

En 1908, alors président du conseil des ministres, Georges Clémenceau est monté à dos de une mule jusqu’au lac d’Allos. Accompagné de nombreuses personnalités, il s’était rendu au lac à l’occasion d’une étude pour la réalisation d’un immense réservoir d’eau dédié à l’alimentation du département du Var alors privé de ressource.