Le Riou Bourdoux (vu depuis Pra Loup)

Dans sa fureur de torrent alpin, le Riou Bourdoux révèle la fragilité du paysage

Un maillon de l’histoire des Alpes ….                      

Les glaciers ont creusé et façonné les vallées alpines. Les traces de la dernière glaciation, il y a environ -115 000 à -10 000 ans, sont encore très visibles en Ubaye.

Depuis la fonte du glacier, le paysage évolue en Ubaye et marque l’histoire d’événements catastrophiques. L’activité torrentielle y est impressionnante et redoutée.

Depuis sa source proche de la frontière franco-italienne au Col de Longet, après un long voyage tumultueux au travers de vallées encaissées et de gorges étroites, le torrent de l’Ubaye arrive dans la vallée très ouverte de Barcelonnette.

Cette vallée est creusée dans des Terres noires du Jurassique (-168 à -158 millions d’années). Ces grands ensembles marneux, très épais, sont fracturés et, ainsi, très fragiles à l’érosion.

Les Terres noires supportent de grands ensembles rocheux qui les ont écrasées. Ces ensembles, poussés et charriés sur plusieurs centaines de kilomètres par la tectonique, sont appelés nappes de charriage. Leur déplacement s’est réalisé en plusieurs étapes, entre -35 et -5 millions d’années.

La fonte rapide du glacier, il y a environ 12 000 ans, a eu plusieurs conséquences :

  • du fait de l’arrêt de la pression exercée par la glace, les Terres noires des versants se sont relâchées, décompactées et des fractures se sont ouvertes ;
  • la glace contenue dans les fissures de la roche a fondu. Elle n’a plus joué son rôle de ciment entre les blocs ;
  • les versants se sont fragilisés.

Jusqu’à aujourd’hui, les eaux de pluie ou de fonte des neiges pénètrent dans les fractures. Elles s’accumulent à l’intérieur des versants. Lorsque la pression est paroxystique, elle chasse tout ce qui les contenait jusque là. Les glissements en masse qui en résultent emportent avec eux les marnes, les moraines et des blocs écroulés depuis les nappes de charriage.

Les torrents creusent leur lit dans ces glissements actifs ou dans d’anciens glissements. Les matériaux sont emportés lors d’orages violents et des coulées de blocs et de boues dévalent vers l’aval.

Le torrent du Riou Bourdoux à l’ouest de Barcelonnette est célèbre pour ses crues torrentielles historiques.  En amont, il présente un bassin de réception suivi d’un chenal dans sa partie moyenne, se terminant en aval par un très large cône de déjection.

… en lien avec 22 autres géosites

Le glacier de l’Ubaye a contribué au creusement et à l’élargissement de la vallée en atteignant les terres noires qu’il a largement dégagées, emportant des pans entiers de marnes.

Lorsque les glaciers sont confrontés à des environnements rocheux très durs, le paysage est alors bien différent : les vallées sont encaissées en forme de U, avec des verrous glaciaires (bourrelets rocheux en fond de vallées) et des roches moutonnées. On peut apprécier ces paysages au lac d’Allos ou aux Eaux-Tortes dans le Laverq.

Ce que l’on peut décrypter du paysage actuel

A la fin du XIXème siècle, les glissements et les crues torrentielles dans les Alpes, alors dénudées, ont été à l’origine de la politique de reboisement des massifs lancée par le ministère de l’agriculture.

Le Riou Bourdoux a fait l’objet de nombreux travaux pour la stabilisation des terrains dans l’axe du torrent. Aujourd’hui, on peut découvrir ces aménagements grâce à un sentier de découverte. Le site continue de faire l’objet de suivis et d’interventions par le service du RTM (Restauration des Terrains en Montagne) de l’ONF. De nombreuses études sont actuellement menées en partenariat avec diverses universités.

Une petite anecdote ?

« Le Riou Bourdoux, fameux dans tout le pays pour ses dévastations, est le torrent le plus terrible et le plus considérable de tous ceux en action dans les Alpes » (P. Demontzey, 1894).

Prosper Demontzey, père de la Restauration des Terrains en Montagne et ingénieur des Eaux et Forêt, est à l’origine des premiers reboisements dans les « Basses-Alpes ». Le Parc Demontzey est à découvrir au Col du Labouret, 25 km au nord de Digne-les-Bains, en direction de Barcelonnette.