Le Vélodrome

Une collision entre deux cyclistes ?

Un maillon de l’histoire des Alpes …

La deuxième partie de l’ère tertiaire est appelée Néogène (-23 à -2,58 Ma), ce qui signifie « nouvelle naissance ». Cette « tranche » de temps est bien nommée pour les Alpes du sud. En effet, c’est au cours de cette période, lors d’une phase paroxysmale de déformations (plissements, chevauchements, surrection), qu’elles vont véritablement prendre naissance.

La collision a, jusque là, affecté profondément les régions sud et est de la chaîne des Alpes naissantes. Au Néogène, ce sera au tour de sa partie ouest et nord : se propageant dans l’espace et dans le temps, les déformations alpines ont souvent été comparées à une onde. Dans ce contexte, le Vélodrome est un pli spectaculaire, dont la géométrie évoque une piste cyclable de compétition. En son sein, les déformations des couches sont lentes et progressives : il a commencé à prendre sa forme aux alentours de -7 millions d’années pour s’achever vers -2 millions d’années.

Pour plisser des couches sédimentaires… il faut d’abord que les sédiments se déposent. Dans le cas du Vélodrome, en même temps que les couches s’empilent, la tectonique se manifeste et plisse les couches en modifiant le paysage. Déjà, vers -20 millions d’années, la révolution du paysage était en marche. Le paysage d’avant le Vélodrome était très plat, faiblement incliné vers le sud, à une altitude proche de 0 m. Les rivières descendant des Alpes charriaient argiles, sables et galets vers la mer.

Quelle mer ? Un nouvel espace marin, la mer péri-alpine a vu le jour à partir de -20 millions d’années avec l’ouverture au sud de la Méditerranée occidentale et avec la formation de dépressions tout autour de la chaîne alpine en surrection.

Cette mer alpine dessinait un grand golfe marin en direction de Digne. Ses limites nord et nord-est ont été identifiées au sein du Vélodrome grâce à ses plages fossiles. Le pli du Vélodrome est formé d’une série de couches sédimentaires, déposées dans un premier temps au fond de ce golfe marin. Un premier ensemble de dépôts s’est déposé, très sableux à la base puis argilo-sableux, ce sont les molasses (voir encadré) marines. Avec l’intensification des déformations, l’érosion est très active et les sédiments, transportés par les rivières et les fleuves, sont de plus en plus abondants jusqu’à combler progressivement la mer. C’est ainsi que les dépôts marneux et conglomératiques (avec des galets) de la molasse jaune continentale succèdent (vers -12 millions d’années) à la molasse marine. Lorsqu’elle se dépose aux environs -12 à -3 millions d’années, les couches de la molasse marine sont déjà en partie redressées.

Pendant et après le dépôt de la molasse continentale, toute la pile des strates est déformée dans son ensemble. Les couches de grès de la molasse marine, légèrement redressées, sont ensuite écrasées et refoulées vers le sud.  De fortement inclinées, elles passent à la verticale. Puis, toujours poussées vers le sud, elles finissent même par être renversées.

Ce grand pli est ensuite recouvert par la nappe de charriage de Digne entre -5 et -3 millions d’années. Sans l’érosion très tardive et profonde de la vallée du Bès, il serait impossible de le voir. Au cours du dernier million d’années, le soulèvement des massifs (Blayeul, Vélodrome) et le creusement des vallées ont contribué à éroder la pile sédimentaire de la nappe au-dessus du Vélodrome, révélant l’organisation des strates et les reliefs.

Des dépôts fluviatiles du paléo-Bès, vieux de -2,6 à -2 millions d’années, eux aussi déformés, viennent compléter le paysage et l’histoire du Vélodrome.

En savoir plus sur la molasse et la mer alpine

Entre -35 et -21 millions d’années, la croûte continentale, au sud de la France et à l’est de l’Espagne et des Baléares, est étirée. Un nouvel espace océanique s’ouvre et s’agrandit (-21 à -15 millions d’années) entraînant la rotation du bloc continental corso-sarde jusqu’à sa position actuelle orientée nord-sud.

Le bassin (océan) liguro-provençal et le golfe du Lion sont nés. La mer s’avance vers le nord. Elle envahit les zones en dépression tout autour de l’arc alpin naissant. Cette mer, appelée mer alpine (ou péri-alpine), est le siège de dépôts molassiques. On trouve des molasses marines aussi bien dans la région de Digne, que dans le bassin du Rhône et jusqu’en Suisse. Les molasses sont des dépôts détritiques qui ont pris place dans des bassins marins ou continentaux dans un contexte post ou fini-orogénique.

en lien avec 22 autres géosites : les Pénitents des Mées, Gorges du Verdon, marbres de Maurin

Les sédiments du Vélodrome racontent l’histoire du golfe marin miocène (de -20 à -12 millions d’années) comblé par les apports détritiques (galets, sables, argiles) issus de l’érosion des Alpes. Ce golfe de Digne-Valensole a fait place à un paysage de delta, la mer reculant vers le sud. De volumineux dépôts de galets se sont accumulés formant les conglomérats de Valensole que l’on trouve aujourd’hui dans les paysages du plateau de Valensole et à la sortie des Gorges du Verdon, sur le site des Pénitents des Mées ou encore  au sud-est de Sisteron et aux environs de Digne.

Sur le site du Vélodrome, les galets sont proportionnellement moins abondants par rapport aux dépôts argileux et marneux. En effet, les conglomérats de Valensole y sont remplacés par la molasse jaune.

Ce que l’on peut décrypter du paysage actuel

Le premier repère visuel est celui de la molasse marine avec ses imposantes barres grises de grès : au sud du vélodrome (aval) elles plongent vers le sud, puis vers l’amont elles plongent cette fois  vers le nord, pour ensuite se redresser à la verticale (limite nord du Vélodrome).

En montant sur la petite bute du site panoramique du Vieil Esclangon, il est possible d’apercevoir  des fossiles de « coquilles Saint Jacques » dans les grès molassiques, ce qui confirme l’origine marine de ces grès. Ils contiennent également des galets. Certains d’entre eux sont verts, d’autres sont verts et blancs.  On reconnaît là des roches issues de l’ancien fond océanique ! Au moment du dépôt des grès marins, ces «roches vertes océaniques» font partie des reliefs alpins soumis à l’érosion : il s’agit là d’un témoin de la collision. Au cœur du Vélodrome, l’impressionnante lame verticale de Facibelle attire le regard. C’est un bon repère qui marque le passage entre la molasse marine grise et la molasse continentale jaune.

Une petite anecdote ?

Ce paysage somptueux, haut lieu de la géologie alpine, est aussi une terre de rencontres parfois insolites. On peut y découvrir des messages dorés et gravés dans la roche « Ambulo ergo sum », un Refuge d’Art, un sanctuaire de la nature…

Mathématiciens, philosophes, astronomes, historiens, architectes, naturalistes, peintres, géologues, artistes contemporains ou simples randonneurs, chacun avec son regard et sa vision du monde trouve une source de réflexion, et de contemplation devant ce spectacle d’une Terre en mouvement.

Pour une autre découverte des lieux : https://musee-gassendi.org/fr/accueil/art-contemporain-nature-pays-dignois/