L’ichtyosaure de La Robine
Un reptile marin au temps des dinosaures
Un maillon de l’histoire des Alpes ….
Au début du Secondaire, au Jurassique inférieur, le phénomène d’extension de la Pangée a déjà produit des déchirures, laissant pénétrer la mer loin dans les terres.
Au Toarcien (-183 à -174 millions d’années), une grande partie de l’Europe de l’ouest est ainsi ennoyée. Un bras de mer, préfigurant la mer du nord, fait communiquer les eaux des deux grands océans, la Panthalassa et la Téthys. Désormais, les terres émergées de la Pangée ne sont plus toutes jointives : le visage de l’ancien continent unique a bien changé…
Malgré tous ces bouleversements, l’Europe de l’ouest appartient toujours à la Pangée. Au-dessus de sa croûte continentale, l’histoire sédimentaire et marine des futures Alpes du sud se poursuit. Les mers peu profondes, appelées épicontinentales (si rares à la fin de l’ère primaire), sont de véritables réservoirs de biodiversité.
L’ère secondaire, c’est aussi « l’ère des reptiles » avec les célèbres dinosaures herbivores ou carnivores qui abondent sur les terres. Mais dès le début du Trias (-250 millions d’années), certains reptiles sont amenés à explorer le milieu aquatique pour chercher à se nourrir en raison d’une forte concurrence sur la terre ferme. C’est le cas des ichtyosaures et des plésiosaures qui se sont adaptés aux conditions marines peu profondes et qui ont par la suite rapidement colonisé les vastes espaces océaniques plus profonds.
Le remarquable ichtyosaure de La Robine vivait, au Toarcien inférieur (vers -183 millions d’années), dans le bassin marin du sud-est de la future France. Sur le site, le fond marin n’était pas plat. Très chaotique, il présentait des escarpements de failles, des points hauts et des zones effondrées. La tectonique, qui reste très active à cette époque, participe à la fameuse extension de la Pangée. Mais l’océan alpin n’est pas encore ouvert !
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Les fossiles de vertébrés sont rares, et plus encore, les spécimens entiers. Le squelette de l’ichtyosaure doit sa préservation à l’environnement marin très particulier de l’époque. Si la tranche d’eau supérieure était très favorable à une vie abondante, le fond était invivable car l’oxygène y manquait. Invivable… sauf pour quelques bactéries dites anaérobies dont l’action permet justement la fossilisation.
Dans un tel milieu confiné, ces bactéries dégradent la matière organique et développent des voiles sur les cadavres sombrés sur le fond. L’activité bactérienne au sein des sédiments entraîne leur induration précoce, bien plus rapidement que lors du processus habituel de transformation d’un sédiment meuble en roche compacte (diagénèse). Il en va de même pour les restes organiques transformés plus rapidement en fossiles (fossilisation) et mieux protégés de la dislocation et de l’érosion sous marine.
L’origine de la conservation exceptionnelle des siréniens de Castellane est toute différente. Si l’absence d’oxygène est un facteur favorable commun aux deux sites pour la préservation des restes organiques et la fossilisation, les squelettes et cadavres des siréniens ont subi un enfouissement très rapide. En effet, lors de fortes tempêtes, la houle a agité et remanié le fond de la mer puis repoussé vers la côte de grandes quantités de sable, de boues calcaires et de restes organiques dont des carcasses de siréniens. Projetés contre les rochers et retenus dans des pièges à sédiments (des creux et autres anfractuosités), ils y sont restés piégés. Ce contexte très particulier a permis la conservation et la fossilisation exceptionnelle de nombreux squelettes de siréniens, la plupart du temps disloqués.
Ce que l’on peut décrypter du paysage actuel
Le squelette fossilisé de l’ichtyosaure de La Robine repose au pied d’un ensemble marneux intensément raviné de couleur gris/noir. Ce type de paysage porte le nom local de robines.
Leur couleur noire est due à la présence de très nombreux grains microscopiques de pyrite, sulfure de fer produit par l’activité de bactéries (sulfo-réductrices), développés en milieu peu ou pas oxygéné.
En Savoir plus…
Une marne est une roche sédimentaire composée d’un mélange de calcaire et d’argile (pour une proportion de 35 à 65%).
Comment trouver un ichtyosaure ?
Pour ce faire, chercher, un peu en hauteur, un rocher au sec. Asseyez-vous et pique-niquez !
C’est ce que fit le professeur Marcel Lemoine au début des années 1960 lorsque son attention fut attirée par un étrange rocher…